Le Monde 2010-08-07.
Musicien de jazz néerlandais.Willem Breuker.
Par Francis Marrnande.
Clarinettiste néerlandais,agitateur, saxophoniste, corrosif, virtuose spontané, meneur de bande, Willem Breuker est mort, Ie 23juillet, à l’âge de 65 ans. Né à Amsterdam Ie 4 novembre 1944, Breuker découvre Ie jazz à l’écoute de 78-tours tout en portant Ie même intérêt aux musiques poptilaires, carillons, limonaires, fanfares. Et aux Musiques contemporaines.
4 novembre 1944 – Naissance à Amsterdam.
1967 – Fonde I’lnstant Composers Pool, avec Han Bennink (percussionniste) et Misha Mengelberg (pianiste).
1974 – Crée Ie Willem Breuker Kollektief.
23 juillet 2010 – Mort à Amsterdam.
Ce qui fait de lui un leader engagé, drolatique, ivre d’énergie et de couleurs, à la tête de sa sympathique horde (Ie Willem Breuker Kollektief), après avoir fondé, en 1967, avec d’autres aventuriers de la musique free, Han Bennink (percussionniste) et Misha Mengelberg (pianiste), l’Instant Composers Pool.
Son propre label, BVHaast, ses hantises (Ies luttes, l’oppression, la domination), il les traite à la tête de collectifs fidèles à sa folie ou sa fureur. Le Kollektief, créé en 1974, participe aux fêtes politiques et aux festivals ouverts aux musiques improvisées. Willem Breuker compose pour Ie théâtre et devient l’alter ego (on voit souvent Ie groupe à l’image) du cineaste Johan van der Keuken. II ne s’agit donc pas d’un style dans la continuité (ou la rupture) de ce qu’aurait été Ie jazz, mais d’une attitude, d’un parti pris que nombre de collectifs et d’itinéraires singuliers ont manifestés en Europe, et tout particulièrement en Europe du Nord.
Une trainee de joie.
Théâtre musical, comique instantané, plus proche de Kurt Weill, Georges Aperghis ou Maurizio Kagel que des programmes prudents auxquels les festivals convenus cantonnent leur idee du ‘jazz’, jouant sans dépendance de leur proximité aux ensembles libertaires de l’après-free (Sun Râ, Art Ensemble of Chicago, Alan Silva, Bill Dixon), Ie Willem Breuker Kollektief ne s’est jamais départi de sa conviction, de ses origines géographiques, de son esprit. Dans ses rangs, chacun, tels Gregg Moore (trombone) ou André Goudbeek (anches), pratiquait Ie sens de l’individuel et de la communauté en stricte autonomie. La direction inventive du leader laissant la bride sur Ie cou, elle produisait des instants de bonheur d’une surprenante intensité.
Voila. Relire Ie ‘Willem Breuker’, de Françoise et Jean Buzelin (éditions du Limon, 1992). Sont encore disponibles nombre d’albums de BVHaast, ceux produits par l’infatigable Gerard Terronès (Futura Marge), les films de Van der Keuken, et toute sorte de témoigages qui commencent à relever d’une époque, alors qu’ils furent à l’origine de la vie même. Et populaires. Qui, parce que partout où passait Ie Willem Breuker Kollektief – dont on ne mentionnera la virtuosité que pour mémoire, elle n’eut aucun sens, sinon de minimum vital –, une traînée de joie, de pensée et de ressource Ie suivait.